Les fêtes et rituels au Pérou ne sont pas de simples événements du calendrier : elles sont des ponts entre les mondes. Mondes des vivants et des ancêtres, de la nature et des dieux, de la mémoire et de la fête. En parcourant les Andes ou la forêt amazonienne, il est difficile de ne pas tomber un jour sur une procession, un bal costumé, un rituel au sommet d’un col, ou une grande table communautaire partagée en musique.
Certaines fêtes se vivent dans l’intimité d’un village, d’autres attirent des foules venues du monde entier. Mais toutes ont en commun une chose : elles racontent le Pérou dans ce qu’il a de plus profond – sa spiritualité, ses racines indigènes, son métissage culturel, sa joie de vivre et sa résilience.
Inti Raymi : le retour du Soleil, l’honneur des Andes
Parmi les grandes fêtes andines, l’Inti Raymi, ou « Fête du Soleil », est sans doute la plus emblématique. Célébrée chaque année le 24 juin à Cusco, l’ancienne capitale inca, elle symbolise le solstice d’hiver dans l’hémisphère sud, le moment où le Soleil – Inti, divinité suprême de l’empire inca – entame son retour triomphal dans le ciel andin.
À l’époque de l’empire inca, cette cérémonie rassemblait les plus hauts dignitaires de l’État autour du Sapa Inca, l’empereur, pour remercier le Soleil d’avoir permis la vie sur terre, et lui demander une année fertile. Pendant plusieurs jours, sacrifices d’animaux, danses rituelles, chants et offrandes rythmaient la célébration. Les Incas croyaient que l’équilibre cosmique dépendait de cette gratitude envers Inti, leur père céleste.
Aujourd’hui, l’Inti Raymi met en scène l’histoire péruvienne, notamment sur le site de Sacsayhuamán, au-dessus de Cusco. Des acteurs en costumes traditionnels incarnent l’empereur, sa cour et les représentants des quatre régions de l’empire. Mais au-delà du spectacle, la fête continue de porter une forte charge symbolique pour les communautés quechuas. On y ressent encore ce lien profond avec la terre, les astres et les rythmes du monde naturel.

Raymi Llaqta : l’identité retrouvée de la région Amazonas
Un peu plus au nord, dans la région de l’Amazonas, une autre grande célébration met à l’honneur l’héritage andin : le Raymi Llaqta de los Chachapoyas. Littéralement la « Fête du peuple », elle se déroule généralement en juin, à Chachapoyas, la capitale régionale, et rassemble des communautés venues des différentes provinces de l’Amazonas.
Cette fête a une double vocation : célébrer l’identité culturelle locale (notamment celle des descendants des Chachapoyas, le mystérieux « peuple des nuages »), et renforcer les liens entre les communautés rurales, souvent isolées géographiquement. Chaque groupe défile en costumes traditionnels, présente ses danses, ses musiques, ses spécialités culinaires, ses artisanats. C’est une explosion de couleurs, de rythmes et de fierté.
Le Raymi Llaqta est aussi un acte de résistance culturelle. Il rappelle que les Andes du nord ont leur propre histoire, souvent oubliée au profit des grands récits incas. Il affirme, avec force et créativité, que la mémoire des peuples andins est toujours bien vivante – et qu’elle se transmet aujourd’hui dans la joie.

Raqchi : quand les rituels s’invitent au village
Dans le petit village de Raqchi, au sud de Cusco, connu pour son impressionnant temple dédié à Wiracocha, dieu créateur dans la cosmovision andine, les traditions prennent une forme plus intime mais tout aussi puissante.
À certaines périodes de l’année – notamment lors des fêtes agricoles ou religieuses – les habitants organisent des cérémonies communautaires qui mêlent catholicisme et rituels ancestraux. On y voit les offrandes à la Pachamama (la Terre-Mère), les danses circulaires, les musiques jouées au tambour et à la flûte, les repas collectifs préparés dans des fours en terre.
Ce que l’on célèbre à Raqchi, ce n’est pas seulement un dieu ou une date du calendrier, mais le cycle de la vie, les liens entre humains et nature, entre anciens et enfants. C’est aussi une manière de maintenir les traditions vivantes, de les transmettre dans le geste et la parole.
San Juan : la grande fête de l’Amazonie
Le 24 juin n’est pas seulement le jour de l’Inti Raymi. C’est aussi la fête de San Juan, l’une des plus importantes de l’Amazonie péruvienne. Ici, le Saint Jean chrétien a été largement approprié par les communautés riveraines et forestières, et la célébration est aujourd’hui un mélange unique de foi populaire, de musique, de danse et de réjouissances autour de l’eau.
Dans les villages amazoniens, on se réunit pour chanter, danser au rythme de la cumbia et du pandilla, organiser des concours, des feux de joie, et surtout plonger dans les rivières et les lagunes pour se purifier. Car l’eau, dans la tradition amazonienne, est sacrée : elle guérit, elle régénère, elle connecte au monde invisible.
Un plat emblématique marque cette fête : le juane, un mets à base de riz, d’œuf, d’olives et de poulet, enveloppé dans des feuilles de bijao. Il incarne l’identité régionale, tout comme la fête de San Juan dans son ensemble : une célébration de la vie, de l’abondance, de la communauté.
La fête de la Vierge Noire Sara à Túcume
Si vous êtes dans la région de Lambayeque au mois de décembre, ne manquez pas l’une des fêtes les plus emblématiques du nord du Pérou : la célébration de la Vierge Noire Sara à Túcume. C’est une expérience unique, à la croisée des chemins entre la foi, l’histoire et les traditions populaires.
Chaque année autour du 8 décembre, le village de Túcume, célèbre pour son impressionnant complexe de pyramides en adobe, rend hommage à sa sainte patronne : la Vierge Sara, aussi appelée affectueusement la Negrita Sara. Cette figure religieuse occupe une place très particulière dans le cœur des habitants. Son nom, « Sara », signifie « maïs » en quechua – un clin d’œil à la fertilité de la terre et aux racines andines profondément ancrées dans la culture locale.
Pendant plusieurs jours, le village vit au rythme de la fête. Les rues se remplissent de couleurs, de musiques et de danses. Une grande procession parcourt le village, portée par les fidèles qui ornent la statue de fleurs et de tissus brodés. Des danses traditionnelles rythment les célébrations, accompagnées par des fanfares et des chants religieux. Des messes sont célébrées, mais aussi des moments plus festifs où se mélangent gastronomie, artisanat et vie communautaire.
Ce qui rend cette fête particulièrement touchante, c’est le mélange de cultures qu’elle incarne. On y retrouve l’héritage chrétien hérité de la colonisation espagnole, les croyances précolombiennes andines liées à la terre et à la fertilité, mais aussi des éléments issus des cultures afro-péruviennes. La figure noire de la Vierge évoque ainsi plusieurs histoires entremêlées – celles des peuples autochtones, des esclaves africains et des métissages qui forment aujourd’hui l’identité culturelle du nord péruvien.
Le Carnaval de Cajamarca – L’âme festive des Andes du Nord
Entre février et mars, vous pourrez participer au Carnaval de Cajamarca, considéré comme le plus grand et le plus animé du pays. Pendant plusieurs jours, la ville toute entière se transforme en un tourbillon de couleurs, de musique, de rires… et de peinture !
Contrairement aux carnavals religieux d’autres régions, celui de Cajamarca est avant tout une fête populaire et païenne, marquée par une incroyable créativité et un fort sentiment d’identité régionale. Les habitants, répartis en différents quartiers appelés patrullas et comparsas, rivalisent d’ingéniosité pour créer des costumes hauts en couleur, des chars décorés à la main, et des chorégraphies aussi drôles que spectaculaires.
Durant le carnaval, attendez-vous à être éclaboussés par de la peinture, de l’eau, et même du talque ! Tout se fait dans la bonne humeur, avec la complicité des habitants qui adorent accueillir les visiteurs dans leur folie collective.
Le Carnaval de Cajamarca, c’est aussi une tradition profondément enracinée. Au cœur de la fête se trouve la figure du Ño Carnavalón, un personnage géant et caricatural, symbole du carnaval. Il est célébré, pleuré, puis symboliquement « enterré » à la fin des festivités – un rite qui évoque le cycle de la vie, la mort et la renaissance.
Musique andine, danses populaires, concours de déguisements, gastronomie locale (ne manquez pas les tamales, le shambar, ou la chicha de jora)… Le carnaval est un concentré de la culture cajamarquina. C’est un moment d’union et de liberté, où toutes les générations participent, et où la joie est une véritable forme de résistance face aux difficultés du quotidien.

Vivre les fêtes, comprendre une culture
Pour nous, chez Phima Voyages, ces fêtes sont bien plus que des événements touristiques : ce sont des fenêtres ouvertes sur l’âme du Pérou. Y participer, c’est être invité dans l’intimité d’un peuple. C’est apprendre à regarder le monde autrement, à ressentir le temps, la nature et la vie en communauté à travers d’autres repères.